Ça alors, quelle surprise, ici, dans ma Bretagne au milieu de nulle part et d'ailleurs : des légumes
oubliés, en pagaille chez un marchand de tubercules au marché de plusieurs bourgs, production locale, qui plus est,
de toutes les couleurs ! Je passe outre la quinzaine de variétés de pommes de terre, dont la vitelotte que j'adore, les carottes blanches, jaunes, violettes, les navets jaunes, roses, verts et même rayés, le panais, devenus désormais courants chez les marchands, mais je m'attarde sur trois légumes racines originaux : l'oca du Pérou, la capucine tubéreuse et le cerfeuil tubéreux que je n'avais pas encore eu l'occasion de cuisiner. Je les ai
donc testés et j'ai tout aimé !
Tout d'abord l'oca du Pérou (Oxalis crenata), qui,
comme son nom latin l’indique, contient de l’acide oxalique, ce qui le proscrit ou le restreint donc du régime de certaines personnes. Il se présente à l’étal comme un joli
tubercule ressemblant à une larve de hanneton ou autre insecte sorti d’une SF, d'une taille pouvant varier de 2 à 6 cm
(voire plus) pour ceux que j'ai achetés à deux endroits différents à quelques
jours d’intervalle. Ce légume racine a une forme oblongue, son
aspect est annelé (ou "crénelé", comme l'indique son nom latin), avec de nombreux yeux marqués, la couleur du tubercule
est variable aussi : d'un blanc nuancé de rose radis, pour les uns, crème, rouge,
violet, pour d’autres, un peu de tout quelquefois pour d’autres encore... Quelques renseignements glanés dans mes bouquins et sur le net : ce
tubercule provient d'une plante potagère vivace de la famille des oxalidacées.
Il est encore peu connu en Europe (la preuve, hi, je la découvre !) où
pourtant sa culture a été essayée en Angleterre dès le 19ème siècle
pour trouver une nourriture de substitution à la pomme de terre alors attaquée
par le mildiou. Il semble que ses faibles rendements n’aient pas incité à
poursuivre sa production, d’autant moins que le problème du mildiou a été
circonscrit. Dans son pays d’origine, il est considéré comme une nourriture
de pauvres, ce qui le relègue, avec l’augmentation des niveaux de vie, à un
rang négligeable dans l’alimentation chez lui, alors qu'ici, ben... à
11 euros le kilo, on ne peut pas dire que ce soit des racines pour pauvres,
hein ?! Ah, les phénomènes de tendance, ça se paie dans
l’assiette ! Quand bien même, on est tendance, avec la cuisine de pauvre, la povera cucina, pour parler juste dans l'air du temps ! Allons-y alors franco pour ces légumes oubliés, tout simplement et quotidiennement, cela ne me dérangerait pas le palais !
J’ai suivi les conseils du marchand : utiliser l'oca du Pérou de la même
manière que la pomme de terre, sauf que le premier peut aussi se consommer
cru et que sa peau n’a pas besoin d’être épluchée. Pour ma part, je l’aime
cuit, j’ai adoré son goût acidulé, ce qui en fait un accompagnement idéal avec
les poissons.
Je préfère les petits tubercules comme ci-dessus, de la taille d'un œuf de caille.
Ci-dessous, ils sont beaucoup plus gros, environ 5-6 cm de long, 4 de circonférence !
ocas du Pérou sautés à la poêle
laver les ocas en
éliminant les traces d’yeux noirs, les égoutter, mettre une càs soupe d’huile
dans la sauteuse, y jeter les ocas, remuer énergiquement, ajouter un peu d’eau,
laisser cuire 15mn à feu moyen à couvert, ajouter du beurre et poursuivre la cuisson à découvert
5mn à feu assez vif . Assaisonner selon goût : gros sel, poivre, herbes
aromatiques ciselés. Servir en accompagnement d’une viande, d’un poisson.
Je
leur trouve un goût supérieur aux pommes de terre, malgré ce que j’en ai lu sur
certains blogs qui, à mon avis, ont été plus influencés dans leur jugement par
son prix que par sa qualité gustative à proprement parler. Or il ne s’agit pas
de savoir si ce légume vaut le prix qu’on le paie actuellement en raison de sa rareté chez nous, mais s’il est bon en terme
de goût ! Moi, je l’adopte à ma table sans problème, j’ai vraiment aimé
son côté acidulé, sauf à faire attention évidemment au fait qu’il contient de l’acide
oxalique, pas très bon pour moi, snif.
La capucine tubéreuse vient aussi du Pérou :
outre que c’est une plante ornementale intéressante et magnifique, avec
notamment une croissance rapide et une floraison ravissante en guirlandes de
trompettes colorées, le tubercule qu’on consomme, un légume oublié aussi, est
très fin en goût, il a été remis à l’honneur par les plus grands chefs qui,
effectivement, ont les moyens de l'inscrire à leur menu : 9 euros le kilo... Consommés
crus, les tubercules ont une saveur piquante assez prononcée, qui disparaît à la cuisson,
laissant place alors à une saveur très fine oscillant entre noisette, céleri, fenouil... Je l'ai adorée crue, à la croque-au-sel (trancher en lamelles assez fines), et aussi braisée, en la rajoutant dans la sauteuse quelques minutes avant la fin de cuisson d'un canard entier.
Le
cerfeuil tubéreux, originaire, lui, d’Europe centrale, a été introduit
en France au milieu du 19ème siècle, un peu pour les mêmes raisons que susdit.
C’est un petit légume racine
qui ressemble, par sa forme, à une mini-carotte en forme de cône, de 3 à 5
cm de long envrion. Sa peau est beige-marron ou grise et sa chair très blanche.
Le cerfeuil tubéreux se consomme, une fois épluché, cru ou cuit. Sa chair est
fondante après cuisson. Son goût est un mélange subtil de châtaigne et de pomme
de terre, ce qui en fait un accompagnement idéal pour une pintade ou autre volaille
aimant la farce sucrée-salée. Pour ma part, le premier kilo que j’ai acheté est
parti quasiment en gourmandise pure : croqué cru, le cerfeuil tubéreux est
délicieux, avec son goût de noisette fraîche. Seul obstacle à sa consommation fréquente : son prix, tout d’abord (13 euros le kilo), et aussi son
épluchage, j’y ai laissé un peu de ma peau, et il faut une grande patience pour
venir à bout de 500 g de racines, alors imaginez en éplucher deux kilos pour le
faire goûter à vos invités, comme je l'ai fait !
cerfeuil tubéreux à la crème
laver et éplucher les tubercules, les rincer à nouveau, égoutter ; cuire à la vapeur 3mn (al dente) ; faire revenir une échalote et une gousse d'ail hachées très fin sans dorer, ajouter les légumes, cuire à feu vif 3mn, ajouter gros sel et poivre, la crème, cuire encore 1 mn à feu vif - Servir en parsemant de ciboulette ciselée.
En résumé, on emploie en cuisine ces trois
légumes racines à peu près de la manière, les deux premiers peuvent s’employer
avec la peau, ce qui n’est pas le cas du troisième. Tous peuvent être utilisés
crus, toutes les méthodes de cuisson applicables à la pomme de terre le sont
pour eux : cuit à la vapeur, à la poêle, en friture, braisé, en purée, en
vélouté... Bref, à vous de sublimer le goût subtil de chacun d'eux de la manière qui lui convient le mieux !