Ce billet, condensé, a été publié en magazine en septembre 2011 |
L'automne, c'est assurément la saison où l'humidité contenue dans l'air rend la lumière tellement splendide par transparence que les amoureux de la nature ne résistent pas à l'envie de la photographier sous toutes ses coutures. Un de leurs sujets de prédilection, les champignons, un monde visuel épatant, magique, à l'image des illustrations de nos livres d'enfance !
Tricholome pied bleu |
On ne présente plus ces étranges "individus", présents partout dans notre vie, à notre insu même. Leur univers reste peu connu, en raison de leur groupe comportant un nombre d'espèces sur terre incalculable. Entre "végétal" et "animal", ils constituent un règne entièrement à part. Pour ceux qui m'intéressent ici, les champignons perceptibles à l'oeil nu, on se demande comment, par miracle, en l'espace d'un temps record, ces organismes invisibles qui vivent souvent cachés, grâce à leur mycélium, dans le sol, le bois pourri ou autres substrats propices à leur développement, surgissent soudain sous nos pas à la bonne saison, tout en pied et avec leur fringant chapeau, pour le plaisir non seulement de nos pupilles mais également de nos papilles. C'est en effet lors de ces promenades en forêt que ceux qui aiment cuisiner se mettent à rêver de rentrer à la maison avec un panier rempli de ces succulents champignons comestibles qui font les gorges chaudes de tout gourmand/gourmet, même du moins toqué !
Attention cependant : derrière leur allure charmante, beaucoup d'espèces sont toxiques, et même, parmi les comestibles, certains prêtent parfois à confusion dangereuse. Prudence donc si vous êtes cueilleur novice, comme moi, qui ne ne consens à cueillir un champignon qu'une fois qu'il m'a été présenté par une personne au-dessus de tout soupçon ! Non, non, ce n'est pas une question d'éducation, mais je n'invite à ma table que ceux avec qui j'ai des affinités absolues, ce qui passe par une observation sans faille et de longue haleine ! L'heureux cueilleur averti saura, pour sa part, reconnaître aisément ses champignons favoris : la morille, une espèce de printemps dont la rareté justifie le prix prohibitif sur les marchés ; plus tardifs, la fin de l'été et l'automne étant les grandes périodes de récoltes plus variées, voici les bolets, dont le fameux cèpe de bordeaux, la coulemelle (lépiote élevée), la girolle, la trompette-des-morts, la pleurote…, tous faciles à trouver au marché. Quant à l'amanite des césars (l'oronge), l'amanite rougissante (la golmotte), le lactaire délicieux, pour ne citer que les plus recherchés, ils trouveront sur leur chemin la convoitise de tout amateur éclairé !
Plus délaissé en raison de son arôme prononcé, et pourtant tout aussi, sinon plus, savoureux que le cèpe, à mon humble avis, voici le tricholome pied bleu (Lepista nuda) qui me met dans tous mes états lorsque j'ai le bonheur de tomber nez à nez avec lui au coin d'un bois ! Il est, en raison de ma passion pour sa couleur et de son odeur qui me rappelle celle d'un bon gâteau sortant du four, le premier de mes champignons préférés, devant l'agaric champêtre (le rosé des prés, l'ancêtre du champignon de Paris) et le coprin chevelu : facile à reconnaître grâce à ses caractéristiques et présentant peu de risque de confusion avec des espèces mortelles, il faut avoir quand même avoir l'œil exercé pour le distinguer au milieu des feuilles mortes, la couleur beigeâtre du dessus de son chapeau se fondant parfaitement dans les nuances automnales. C'est lorsque la lumière n'est pas trop éblouissante mais assez contrastée qu'on aperçoit dans la pénombre son pied et ses lamelles d'un bleu intense tirant sur le violet. Il apparaît dès le printemps, mais abonde surtout en octobre-novembre, à partir des premiers froids, il m'est même arrivé de le débusquer sous la neige... Il pousse en troupe ou en cercle, sous feuillus ou conifères. C'est un champignon désormais exploité en culture de la même manière que le champignon de Paris, mais je n'ai jamais retrouvé dans l'espèce cultivée cette délicieuse fragrance qui en fait la spécificité.
Les champignons sont des aliments peu caloriques. Pour leur utilisation, il faut savoir que certains, même comestibles, sont toxiques à l'état cru et ne se consomment que cuits, telle la morille. En revanche, d'autres, comme la fistuline hépatique (aussi appelée "langue de bœuf", alors que sa forme rappelle plutôt un... foie !), sont meilleurs crus, juste détaillés en carpaccio, par exemple. Il est prudent de se documenter dûment sur les espèces récoltées avant tout emploi culinaire.
champignons de Paris bruns |
Enfin, à défaut d'être cueilleur, on peut se régaler de l'inégalable champignon de Paris, à mettre à toutes les sauces ! Pour ma part, j'en consomme beaucoup (j'en achète régulièrement 2 kg par semaine : une fois bien nettoyé et séché, je le stocke au frigo sans problème). Cru ou cuit, celui-ci se prête à bien des recettes. Je préfère, à l'achat, le brun, plus parfumé et ferme que le blanc, il rappelle vraiment l'agaric champêtre (rosé des près) sauvage. Outre les préparations traditionnelles, par exemple, pour accompagner un lapin chasseur, garnir une bouchée à la reine ou une quiche, si vous les choisissez très fermes, il est délicieux cru, en salade : couper court le pied, émincer en lamelles, assaisonner avec du jus de citron, de l'huile d'olive, une pointe d'ail ou de l'échalote, un peu de sel et de menthe ou persil haché, du poivre, c'est tout !
champignon de paris cru en salade
Le pied bleu, quant à lui, se prête presque aux mêmes préparations en cuisine, mais il est conseillé de ne le consommer que cuit. En poêlée : couper les chapeaux en gros morceaux, faire revenir ceux-ci dans de l'huile très chaude une dizaine de minutes, ajouter en fin de cuisson un peu de sel, de poivre, de persil haché et de beurre si vous n'avez rien contre. Cette poêlée accompagne à merveille toute viande rôtie ou, si vous êtes végétarien, un riz nature ou des pommes de terre vapeur dont elle relèvera excellemment le goût. C'est ainsi qu'on profite le mieux de la subtile saveur et du parfum de ce champignon qui, pour être commun, n'en est pas moins délicieux, c'est pourquoi, d'ailleurs, je proscris l'ail pour lui. En risotto (recette en fin de billet) il s'accommode bien de quelques dés de blanc de poulet cuit, et, mieux, de quelques dés de foie gras, un plat simple se transformant de la sorte en mets raffiné que vos invités ne bouderont pas !
ma recette du risotto au pied bleu
(on peut remplacer par un autre champignon de même type, assez ferme)
INGREDIENTS pour 4 personnes :
• 150 g de riz à risotto (arborio ou carnaroli)
• 300 g de pieds bleus coupés en morceaux
• ½ litre de bouillon de volaille
• 1 gros blanc de poulet poché dans de l'eau frémissante 10 mn, refroidis puis coupés en petits dés,
• échalotes et ail hachés fin
• une cuillérée de crème fraîche (facultatif)
• sel, poivre
• ajouter dans l'ordre : la crème fraîche, les dés de poulet, les champignons, en mélangeant doucement entre chaque étape pour que l'ensemble soit homogène et très chaud.
Servir aussitôt. Avec un bon vin blanc type savagnin (ou un autre vin du Jura) (*) c'est parfait !
(*) Pour ces vins, je m'adresse à la maison Philippe Butin à Lavigny ou Morel-Thibaut à Poligny, deux producteurs très sérieux, qui se démarquent de la grosse cavalerie qu'on trouve actuellement chez les négociants en tous genres...
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